Les 44 préconisations du rapport Combrexelle pour la "négociation collective, le travail et l'emploi" ont été remises ce mercredi 9 septembre au Premier ministre. Une réforme sera votée avant 2016, a-t-il assuré. Au menu : généralisation du principe de l'accord majoritaire d'entreprise ; réforme du code du travail et définition des missions de branches. Réactions.

Ce mercredi 9 septembre, Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d'Etat et ancien Directeur général du Travail, a remis les 44 préconisations de sa commission au Premier ministre, un mois avant la quatrième conférence sociale prévue le 19 octobre prochain au CESE à Paris. "Ce rapport qui nous a été présenté, avec la ministre du Travail, est une étape majeure dans ce quinquennat, a indiqué Manuel Valls dans la foulée de sa remise. Une étape majeure car nous poursuivons notre train de réformes avec constance et profondeur."

 

Avant de poser désormais la question : "Comment allons-nous avancer maintenant? ". Le Premier ministre a assuré que la nouvelle ministre du Travail Myriam El Khomri recevra prochainement les partenaires sociaux. Après une étape de concertation et de discussion, le Gouvernement prendra alors des décisions qui seront traduites dans un projet de loi. Et à Manuel Valls de signaler dans son discours : "Le Conseil des ministres pourra ainsi adopter un projet de fin 2015/début 2016, qui sera discuté et voté au Parlement avant l'été". D'ailleurs, des dispositions législatives nécessaires à la mise en œuvre pourront aussi y être intégrées, a ajouté Matignon.

 

Au final, ce très attendu rapport commandé par le Gouvernement par lettre de mission du 1er avril 2015, appelle, globalement dès 2016, à "cibler les domaines sur lesquels, du point de vue social et économique, il y a urgence à développer la négociation collective
et à adapter, en conséquence, les dispositions du code du travail".

 

En détails, ce document de 120 pages distingue "quatre piliers de la négociation" : le temps de travail, les salaires, l'emploi et les conditions de travail. Et pose clairement l'objectif "d'ouvrir dans ces domaines de nouveaux espaces afin que s'opère dans notre pays une relance de la négociation qui soit porteuse d'innovation et d'emplois". Dans cette optique, Jean-Denis Combrexelle suggère de "clarifier" ce qui s'impose à tous, "l'ordre public" ou relève "de la négociation".

La "généralisation du principe de l'accord majoritaire d'entreprise" à compter de 2017

A compter de 2017, le rapport recommande la "généralisation du principe de l'accord majoritaire d'entreprise". Ainsi, la barre des voix nécessaires serait montée à 50%, au lieu de 30% actuellement. D'une durée de quatre ans, les accords pourraient être révisables chaque année. Les recours contre leur validité seraient possibles pendant deux mois. A noter également que l'administration aurait aussi la faculté de les contester.

Vers une nouvelle architecture du code du travail ?

Autre recommandation explosive : une éventuelle réforme du code du travail. D'ici à quatre ans, le rapport suggère ainsi "une nouvelle architecture du code du travail faisant le partage entre les dispositions impératives, le renvoi à la négociation collective et les dispositions supplétives en l'absence d'accord. A ce sujet, le Premier ministre a reconnu que "notre code du travail est devenu trop complexe, parfois même illisible, avec des dispositions qui se sont accumulées au fil des années."

Le temps de travail débattu

Au chapitre du temps de travail, Jean-Denis Combrexelle a ouvert également un sujet particulièrement épineux sur l'opportunité de revoir, par la négociation, le "seuil de déclenchement" des heures supplémentaires. Aujourd'hui, au-delà de 35 heures, la majoration peut être réduite à 10% pour les huit premières heures par accord d'entreprise mais cette souplesse reste peu utilisée, souligne-t-il.

La sécurisation des accords collectifs passée au crible

Avec pour objectif de sécuriser les accords, l'auteur du rapport propose que les accords collectifs "préservant l'emploi s'imposent au contrat de travail et qu'en cas de refus, le salarié soit licencié pour un motif économique avec un régime indemnitaire moins attractif." Dans les autres cas, la prévalence du contrat individuel serait maintenue, signale-t-il.

 

Enfin, Jean-Denis Combrexelle compte en finir avec la "défiance". "Ici, les chefs d'entreprise ont souvent le sentiment que la négociation n'est qu'un instrument aux mains des syndicats pour la sauvegarde des seuls droits acquis au détriment de l'intérêt même de l'entreprise, voire de son existence", a-t-il signalé à Matignon.

 

Plus d'une dizaine de propositions visent ainsi à susciter de "nouvelles pratiques de négociations", dont la mise en place de "formations communes syndicats/entreprises."
A noter enfin que la définition des missions de branches et la prévision d'un mécanisme de fusion de branche font partie des priorités du rapport. A ce sujet, le Premier ministre a glissé dans son discours : "Il y en a aujourd'hui 750, c'est beaucoup trop ! Si l'on veut donner plus de place à l'accord de branche, il faut en réduire le nombre."

 

Réactions des organisations patronales
A la lecture du rapport, l'UPA, dans un communiqué s'est réjouie que cette contribution réaffirme "la nécessité de réformer en profondeur le droit du travail, en limitant le rôle de la loi et en développant au contraire la négociation collective." D'après l'UPA, "l'objectif n'est pas de supprimer le code du travail mais de l'alléger fortement en laissant le soin aux représentants des employeurs et des salariés de préciser les règles adaptées à la réalité des entreprises."

 

De plus, ce rapport répond d'après l'UPA à cette exigence en confiant un rôle central aux branches professionnelle. "Cette solution permettrait aux TPE et aux PME, qui sont dans l'incapacité de négocier des accords d'entreprise en raison de leur taille, d'adopter l'organisation du travail convenant le mieux à leur activité professionnelle", conclut Jean-Pierre Crouzet, président de l'UPA.

 

Pour aller jusqu'au bout de cette logique, l'UPA préconise alors que les branches professionnelles aient la responsabilité de définir les dispositions qui s'imposeront aux entreprises et celles auxquelles elles pourront déroger.

 

Pour la CGPME dans un communiqué: "Si ces préconisations devaient être mises en œuvre ainsi que s'y est engagé le Premier ministre, cela constituerait un indéniable progrès."

 

Enfin, le Medef salue dans un communiqué le travail audacieux de Jean-Denis Combrexelle. Toutefois, l'organisation patronale restera "extrêmement vigilante sur la mise en œuvre de ces propositions, tout particulièrement pour les TPE et les PME. La législation du travail doit devenir demain plus simple, plus stable, plus sécurisée et moins anxiogène."

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