INTERVIEW Quelques jours après le vote du Sénat qui autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance sur de nouveaux délais, Claire-Lise Campion, sénatrice de l'Essonne et co-auteur du rapport "Réussir 2015", revient pour Batiactu sur le caractère urgent du dossier et de son calendrier à venir. Interview.

Batiactu : L'habilitation à légiférer par ordonnance approuvée par le Sénat va mettre en œuvre les Agendas d'accessibilité programmée. Cette mesure transitoire va-t-elle permettre aux acteurs d'être enfin prêts ?
Claire-Lise Campion :
L'Ad'AP est en effet un dispositif d'exception qui permettra aux acteurs qui ne sont pas en conformité avec les règles d'accessibilité posées par la loi de 2005 de s'engager dans un calendrier précis. Il s'agit d'un acte volontaire d'engagement qui ne se substitue pas à la loi de 2005 mais qui la complète. Cependant, les délais, prévus dans le cadre de cette loi ne sont pas repoussés et les sanctions demeurent.

 

L'ordonnance, qui sera présentée avant le début de l'été prochain, va ainsi permettre d'encadrer de manière précise le calendrier resserré qui est proposé aux maîtres d'ouvrage qui ne se sont pas encore mis en conformité. En clair, les dossiers d'engagement à entrer dans la démarche Ad'AP devront être déposés avant le 31 décembre 2014 ou, au plus tard, douze mois après la publication de l'ordonnance. Les projets d'Ad'AP devront être validés par le préfet et cette validation permettra ainsi d'entériner l'échéancier pour la mise en accessibilité. Je rappelle que l'Ad'AP est un engagement irréversible et tout dossier validé devra être mené à son terme. Des points de contrôle réguliers seront effectués, de même que des sanctions financières graduées seront appliquées en cas de non-respect de l'Ad'AP.

 

Batiactu : Mais n'est-ce pas un pas en arrière pour l'accessibilité des bâtiments ?
Claire-Lise Campion :
Le problème, c'est que la loi Handicap de 2005 n'a pas été accompagnée et encore moins évaluée, ce qui fait que ses conséquences n'ont pas été prises en compte ni par les pouvoirs publics, ni par les acteurs de la filière. Elle est donc restée lettre morte, jusqu'à ce que Jean-Marc Ayrault me charge d'une mission de concertation, en septembre 2013, pour compléter et améliorer le volet accessibilité de la loi de 2005, applicable au 1er janvier 2015. Certes, nous avons perdu presque 10 ans : il n'y a pas eu de portage politique et surtout, il fallait expliquer aux acteurs les conséquences, les retours, les financements que cette mise en accessibilité impliquait.

 

Alors, oui, il fallait tout remettre à plat, et ce fut l'objet de cette concertation au niveau national que m'a confié le Comité interministériel du handicap. Il fallait regarder vers l'avant et c'est ce que nous avons tenté de faire en énonçant des propositions pour s'en sortir.

 

Batiactu : Votre mission a débouché sur l'adoption des Ad'Ap, mais aussi sur une réflexion sur les normes relatives à la construction des bâtiments ? Quelles en sont les grandes lignes ?
Claire-Lise Campion :
En effet, c'est l'autre grand volet de cette concertation, et il a été en partie repris par le programme Objectifs 500.000, qui comporte un groupe de travail dédié au travail sur les normes. Nous avons ainsi établi qu'il fallait retravailler certaines normes quand elles se révélaient inefficaces ; nous avons conclu à certains assouplissements, notamment en ce qui concerne les largeurs d'allées primaires et secondaires. Nous avons également travaillé avec les bureaux d'études, les architectes et les ingénieurs sur les questions des évolutions et des avancées technologiques par rapport à ce qui avait été établi en 2005. Cela touche la notion d'éclairage, par exemple. Enfin, nous avons obtenu - et cela figurera dans l'ordonnance à venir - que les rampes d'accessibilité avec une première marche n'aient plus un caractère dérogatoire. Et il y a bien d'autres mesures qui ont été évoquées.

 

Les choses sont désormais en marche : le projet de loi d'habilitation doit passer, courant mai, à l'Assemblée nationale, pour une ordonnance présentée avant l'été. En parallèle, nous poursuivons notre travail de suivi notamment des Ad'Ap, et je suis satisfaite que l'Obiaçu* puisse participer à ce suivi.

 


*L'OBIAçU (Observatoire interministériel pour l'accessibilité et la conception universelle) poursuit trois objectifs principaux. Il évalue l'accessibilité et la convenance d'usage des bâtiments d'habitation, des établissements recevant du public, des lieux de travail, des espaces publics, des installations ouvertes au public, des moyens de transport et des nouvelles technologies et à l'offre culturelle, sportive et de loisirs. Il étudie également les conditions d'accès aux services publics, au logement et aux services dispensés dans les établissements recevant du public. Il recense les progrès réalisés en matière d'accessibilité et de conception universelle. Enfin, il identifie et signale les obstacles à la mise en œuvre de la loi et les difficultés rencontrées par les personnes handicapées ou à mobilité réduite dans leur cadre de vie.

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