Habitant des appartements à loyer réglementé, ils redoutent une flambée des prix, en raison du vide juridique créé fin novembre par l'annulation par la Cour constitutionnelle d'un arrêté du ministère des finances.

Dans le centre de Prague et d'autres grandes villes, des propriétaires refusent d'attendre un nouveau cadre juridique et affichent dès maintenant leur ferme intention d'exiger des prix semblables à ceux du marché. Les propriétaires font valoir la différence énorme entre les loyers réglementés et les loyers du marché. Ils disent aussi qu'ils ont besoin d'avoir les moyens nécessaires pour entretenir les immeubles. Mais, dans un pays où le salaire moyen par mois équivaut à tout juste de 500 euros par mois, les locataires sont très inquiets, surtout qui ne
disposent que de revenus modestes.

A Prague, les prix réglementés des loyers se situent en moyenne à 2.224 couronnes (environ 72 euros) par mois pour un appartement standard de 60 m2, soit environ 25% de son prix habituel sur le marché. Cette différence est encore bien plus importante au centre-ville et dans certains quartiers huppés. Forte de 10,3 millions d'habitants, la République tchèque compte quelque 3,8 millions d'appartements dont environ un million à loyer réglementé, selon l'Office des statistiques (CSU).

Un propriétaire d'immeuble à Brno (est), deuxième ville du pays, a été le premier à faire sortir le djinn de la bouteille, en annonçant son projet de sextupler les loyers. Son exemple a été aussitôt suivi par un propriétaire italien de plusieurs maisons de rapport à Prague, qui veut appliquer des hausses du même ordre. Nombre de bailleurs s'apprêtent à faire de même. Indigné, le président de l'Association de locataires, Stanislav Krecek, a réagi en invitant les locataires à dire un non catégorique à ces hausses, et déposer en cas de besoin des plaintes en justice. M. Krecek regrette que la décision de la Cour constitutionnelle ait introduit "injustice et incertitude".

Considéré plutôt comme partisan d'une déréglementation, le médiateur public (ombudsman) Otakar Motejl estime pourtant que toute augmentation doit toujours être approuvée par les deux parties, pour entrer en vigueur. "Il n'est pas possible que le propriétaire dicte le prix", dit-il. Le débat fait également rage au sein de la coalition de centre-gauche, au pouvoir depuis les législatives de juin, et risque de mettre de nouveau à l'épreuve sa solidité. En effet, deux projets de loi totalement différents sur la réglementation des prix de loyers sont en train d'être préparés par le ministère des Finances, conduit par le social-démocrate Bohuslav Sobotka, et le ministère du Développement local, avec à sa tête le libéral Pavel Nemec (Union de la Liberté, US-DEU).

Le texte rédigé par le ministère des Finances est très favorable aux locataires, en ne prévoyant qu'une croissance plutôt modérée des loyers. Le ministère du Développement local, quant à lui, entend en revanche desserrer le contrôle d'Etat, dans un avenir très proche. L'adoption d'une nouvelle loi va donc prendre beaucoup de temps. L'incertitude va se prolonger, ce qui risque de creuser un peu plus encore l'écart entre propriétaires et locataires en République tchèque.

actionclactionfp