Un an après les JO de Londres, la capitale britannique s'est engagée à établir de nouveaux critères pour le processus de reconversion du Parc Olympique. Rencontre avec Ken Livingstone, qui fut maire de 2000 à 2008 et aussi le moteur de la candidature de la capitale dont la conception visionnaire a permis de laisser un héritage physique, économique et social. Entretien.

Batiactu : Un an après les JO de Londres, êtes-vous satisfait de tous les moyens entrepris pour préserver l'héritage des Jeux ?
Ken Livingstone :
Le Parc olympique, installé dans la banlieue Nord-Est de la capitale britannique, a servi, en effet, de fer de lance à la réhabilitation d'une zone urbaine populaire ignorée par les opérations des dernières années. Notre objectif a été clair d'entrée : faire en sorte que les riverains profiteront bien de l'"héritage" des Jeux.

 

 

A côté de cela, il ne faut pas oublier que parmi ces investissements, il y a eu énormément de travaux que nous avons dû effectuer dans les terres entourant la capitale. Au sud de Londres notamment, il a fallu mettre en place la distribution d'eau, de gaz, d'électricité. Et toutes ces avancées sont des promesses pour le futur, car des maisons seront construites avec le développement de toutes ces zones. Mais il est clair que cet aménagement aura constitué un énorme surcoût.

 

Batiactu : Pourquoi le projet olympique s'est d'abord concentré, au début des années 2000, dans l'Est de Londres ?
Ken Livingstone :
Dans le milieu des années 80, les pouvoirs publics ont redynamisé ce quartier populaire, "East London" en s'appuyant notamment sur les agences locales de développement économique et les opérateurs privés. Canary Wharf est le parfait symbole de cette renaissance, situé à la place des anciens docks.

 

En revanche, le nord-est du "Greater London" a été complètement oublié des divers programmes de réhabilitation. C'est pourquoi lorsque j'ai été élu maire de Londres au cours de mon premier mandat en mai 2000, j'ai insisté pour que notre projet soit centré sur ce secteur en particulier. D'ailleurs, ce dernier a été appuyé par le Premier ministre travailliste, Tony Blair.

 

Batiactu : Pourquoi avez-vous opté pour Stratford comme principal site d'accueil de l'Olympic Park lors des Jeux ?
Ken Livingstone :
Stratford à cette période bénéficiait d'atouts non négligeables malgré son isolement géographique. Tout d'abord, il est situé intra-muros, à une quinzaine de kilomètres de Westminster, soit à un peu de moins d'une heure de route avec des bouchons très importants.

 

Notre initiative était donc d'y rassembler les principales installations -stade olympique, piscine, village des athlètes, centre de presse...- et les compétitions les plus médiatiques, en leur associant des infrastructures ultra-modernes et futuristes, comme le plus grand centre commercial d'Europe ou la gare Eurostar.

 

Batiactu : quelles ont été les clefs principales de ce projet olympique ?
Ken Livingstone :
Notre vision était claire : nous ne voulions pas reproduire certaines erreurs faites à Athènes ou Pékin. Notre objectif principal a été d'utiliser les Jeux, et tout leur apport économique potentiel (le dossier a été monté avant la crise...) pour "régénérer" les "boroughs"(Ndlr : quartier) -cette zone du nord-est- sur une période à très long terme et l'associer au développement durable. (lien). Pour rappel : le prix du foncier étant très bas, le prix d'achat du terrain a aussi été un argument.

 

C'est pourquoi la structure Olympics and Park Legacy Company (OPLC)* a été montée dès le 10 septembre 2012 à la fin des olympiades. La mission ? Assurer la reconversion, entre autres, du site de Stratford en une nouvelle zone urbaine où il fera désormais bon vivre afin de parachever, vingt ans après ses débuts, la transformation de l'Est de Londres.

 

"Le site olympique de Londres : du projet à la réhabilitation - Défis et solutions".et batimat
Conférence à Batimat novembre 2013: "Le site olympique de Londres : du projet à la réhabilitation - Défis et solutions". De gauche à droite : Bob Allies, architecte londonien Fondateur et Partenaire, de Allies and Morrison Architects, Ken Livingstone, maire de Londres de 2000 à 2008, Malcom Smith, Arup, directeur de projet, masterplanning et design urbain. © S.C.Batiactu
Batiactu : Etes-vous satisfait des projets de reconversion des sites olympiques en immeuble d'habitations ?
Ken Livingstone :
Tout d'abord, le village olympique a d'ores et déjà été transformé en immeubles d'habitations à haute valeur écologique, mêlant à la fois appartements privés et logements sociaux. En détails : il offrira 2.818 appartements, mais seulement 25% à caractère social. La première moitié des autres logements a été vendue à un fonds souverain du Qatar, que l'on voit mal ne pas louer au prix du marché. Et la seconde moitié a, certes, été cédée à des associations. Enfin, d'autres projets immobiliers répartis dans le Parc et aux alentours permettront d'aboutir à la venue d'environ 20.000 nouvelles habitations (dont 40% de HLM), soit entre 40.000 et 60.000 résidents. Nous y retrouverons prochainement une ville nouvelle dotée de centres médicaux, crèches, commerces et installations sportives...

 

Batiactu : Le pari de cette reconversion sera-t-il tenu ?
Ken Levingstone ?
Je ne peux pas y répondre, cela reste l'inconnu. La crise immobilière a ralenti les envies des promoteurs et des candidats à l'accession à la propriété. Une chose est sure : les Jeux, et les nouveaux services qui leur sont associés, changeront forcément la perception de Stratford, et plus globalement de l'East London. Il faut bien se rendre compte que seuls les grands événements sportifs (Ndlr : accueil du Tour de France) permettent encore de porter des grands projets d'urbanisme. Et à chaque fois, c'est l'occasion de financer des projets. Quel sera alors le réel héritage de ces Jeux ? Les infrastructures évidemment.

 

* London Development Corporation Legacy (LLDC) est une structure directement responsable devant les Londoniens par le maire. Objectif : gérer une partie des actifs et responsabilités des organismes de régénération existantes dans la région. Il a également des pouvoirs sur la reine Elizabeth Olympic Park (le nom du parc olympique après les Jeux).

 

 



 Ken Livingstone maire de Londres de 2000 à 2008
Ken Livingstone maire de Londres de 2000 à 2008 © S.C. Batiactu
Ken Livingstone, qui êtes-vous ?
Né à Lambeth, dans le sud de Londres, Ken Livingstone, 68 ans, surnommé "Ken Le Rouge", par son passé Trotskiste. Il a d'abord été technicien de laboratoire avant d'embrasser, dès 26 ans, une carrière politique. À gauche de la gauche britannique, il a été conseiller municipal puis dirigea le Greater London Council (conseil du Grand Londres, supprimé en 1986) avant d'être député puis maire de Londres de 2000 à 2008. Il n'a jamais craint la controverse et s'est d'ailleurs beaucoup impliqué dans la gouvernance du Grand Londres.
Il a, par exemple, établi un péage à l'entrée de la ville pour y limiter la circulation.
Lorsqu'il s'est présenté une troisième fois face à Boris Johnson (Ndlr : maire actuel) en mai 2008, son programme était le suivant : des transports publics moins chers, plus de policiers, plus de zones piétonnes, davantage de logements sociaux, et s'opposait aux coupes drastiques du gouvernement dans le budget des 32 boroughs (arrondissements) de la ville.

 

actionclactionfp