INTERVIEW. Une nouvelle ère démarre ce jour pour la Fédération française du bâtiment, qui intronise officiellement Jacques Chanut en tant que nouveau Président national. Construction neuve, rénovation énergétique, commande publique, pénibilité ou auto-entrepreneurs feront partie des dossiers prioritaires de son premier mandat. Interview sans concession.

Batiactu : Votre prédécesseur Didier Ridoret regrettait, il y a quelques jours, de partir avec un bilan de seulement 340.000 logements construits. Cela va-t-il être un handicap ?
Jacques Chanut :
Ma priorité sera de relancer l'activité, première cause de la souffrance quotidienne de nos artisans. Pour cela, iI va nous falloir continuer d'être pro-actifs, d'interpeller nos gouvernants, d'être force de proposition pour que des décisions majeures soient enfin prises. Il y a eu nombre de mesures prises, mais on se rend compte que ça ne fonctionne pas : les chiffres du logement sont en chute libre ; les mises en chantier sur 4 mois sont catastrophiques, y compris sur le non résidentiel… Pour relancer le marché, je crois qu'il faut aller sur celui du primo-accédant puisque les chiffres le montrent : pour arriver aux 500.000 logements, il faut 130.000 primo-accédants, en 2013 on en a compté 37.000. Dont acte. Il semble donc que sur cette tranche-là, toutes les mesures annoncées n'ont pas permis un redémarrage du marché, voire pire, il a reculé.

 

Batiactu : A la veille de la mise en place de l'éco-conditionnalité, la rénovation énergétique sera-t-elle aussi une priorité pour vous ?
Jacques Chanut :
Bien évidemment. On nous annonce un marché énorme depuis plusieurs années, mais force est de constater là encore que l'activité n'est pas au rendez-vous. C'est un marché pas mature en termes de modèle économique, qui ne peut pas s'auto-alimenter seul, où le retour sur investissement est beaucoup trop long pour le particulier notamment. Il faut donc être plus percutant sur les incitations permettant aux gens de pouvoir financer des travaux de rénovation énergétique. Nos adhérents sont formés et prêts à répondre à ce marché, mais on ne voit toujours rien venir… On sera force de proposition à la fois sur la partie financement, mais aussi sur l'aspect simplification. L'approche est beaucoup trop complexe pour initier ce marché, chacun ayant fait sa petite norme dans son coin, pour arriver aujourd'hui à de multiples labels. Pour les particuliers, c'est un véritable méandre pour rechercher une information ! Là encore, il faut être pragmatique, changer et accélérer certaines choses. Il faut avoir du bon sens par rapport à ce marché : un PTZ + massif par exemple, et surtout qu'on donne de la lisibilité aux aides. Cessons de changer les règles du jeu tout le temps !

 

Batiactu : Quid des décrets sur l'éco-conditionnalité tant attendus par la filière ?
Jacques Chanut :
Prenez celui sur l'éco-PTZ. L'outil est attractif, mais il est bloqué pour la simple raison que les banques ne veulent pas s'en occuper. Le pragmatisme c'est quoi : c'est dire puisque les banques ont des difficultés à assumer le contrôle du système, nous sommes prêts à endosser cette charge : nos entreprises ont la compétence, elles sont formées et c'est aussi leur quotidien. Malgré cela, le décret ne sort pas ! Encore une fois, cela ne nous amuse pas de prendre une responsabilité de plus, mais le bon sens nous fait dire qu'on est sans doute les mieux placés pour débloquer la situation. L'essentiel est que le marché démarre, et pour qu'il démarre, il faut des financements. Tout est lent ! C'est ubuesque et c'est insupportable. Le temps de l'annonce politique n'est pas celui du temps économique de nos entreprises. Il y urgence, et quand il y a urgence, on sort les décrets !

 


Auto-entrepreneur, pénibilité, travail détaché... Retrouvez la suite de l'interview en page 2 et 3.

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